About the Film

500 JOURS DANS LA NATURE SAUVAGE

LE CONCEPT

Le sentier Transcanadien est le plus long sentier au monde. Né d’une simple idée en 1992, il ouvrira officiellement en 2017. Près de 24,000 kilomètres, de l’Atlantique au Pacifique, jusqu’à l’océan Arctique, il relie 1000 communautés du Canada.

Le 1er juillet 2015, je partirai du kilomètre zéro sur le sentier Transcanadien, à Saint-Jean de Terre-Neuve, et tenterai de franchir à vélo, à pied et à la rame, le sentier de 24,000 kilomètres qui traverse le Canada.

J’ai l’intention de tourner un film documentaire indépendant et d’écrire un livre sur le périple, comme je l’ai fait dans mes deux précédents films.

Mon but est de faire un documentaire qui explore quatre thèmes : L’ÉCOLOGIE, L’ART, LE RÉCIT, LA SPIRITUALITÉ. Quatre thématiques que je conçois comme les quatre parties d’un même cercle.

L’ÉCOLOGIE

Les symboles qui représentent le Canada sont inextricablement liés à la nature et à l’immensité. Une vision paradoxale, puisque notre rapport à la nature sauvage perpétue le mythe d’une identité nationale portée par des emblèmes tels que le castor sur nos pièces de monnaie et la feuille d’érable sur notre drapeau. À l’opposé de ce paradoxe, il y a cette notion bien réelle d’un modèle économique fondé sur l’exploitation des ressources naturelles et ses conséquences destructrices sur la nature.

J’ai le sentiment que le Canada d’aujourd’hui n’est pas le même que celui où j’ai grandi, dans les années 1970. Récemment, un pêcheur me disait qu’avant, on vivait dans une société, maintenant, on vit dans une économie. Face à la montée des océans, aux changements climatiques, à la pollution marine et atmosphérique et à une population sous antidépresseurs et anxiolytiques, il est temps de réévaluer nos mythes et notre identité.

Peut-être que tout ce que nous devrions savoir, nous l’avons oublié. Ainsi donc, je retourne dans le Jardin d’Éden originel, le royaume de Dame Nature, privée de mes «lattes», hors de ma zone de confort, pour redécouvrir tout ce que nous avons oublié.

L’ART

Au Canada, il y a cette tradition de l’artiste qui investit les grands espaces inhabités pour tenter d’y trouver l’essence de ce pays. La poésie, le rythme des tambours, l’odeur du cèdre, l’immensité du ciel… Notre identité a toujours été liée à la notion de nature sauvage.

Les artistes de ce pays, les artistes précurseurs des Premières Nations, le Groupe de Sept, Emily Carr, Bill Reid et Christopher Pratt, pour ne nommer que ceux-là, ont tous reproduit ces paysages dans leur œuvre. En réalisant ce périple, je veux rendre hommage à l’esprit qui les animait, pour tenter de comprendre notre démarche artistique et les liens que nous entretenons avec les paysages sauvages du Canada.

LE RÉCIT

Joseph Campbell a écrit que «la science voit les faits et l’artiste voit l’histoire». Face à une crise écologique planétaire, j’essaie de comprendre l’histoire.

Récemment, j’ai fait un tournage avec une femme aînée de la tribu des Micmacs qui a partagé des histoires à propos de Christophe Colomb, transmises à travers les siècles.

«Oui, nous connaissons cette histoire, sauf qu’elle diffère de celle des récits de voyage de l’explorateur.» m’a-t-elle dit en riant. L’histoire racontée par Christophe Colomb prétend que les gens d’ici étaient des primitifs, que nous étions en adoration devant eux quand leur bateau est arrivé. En fait, me dit-elle, lorsque son peuple alla à la rencontre des étrangers pour les accueillir, les hommes à bord du bateau sentaient si mauvais que nos ancêtres ont dû se boucher le nez avec leurs mains et s’incliner pour ne pas paraître impolis.»

Au cours de mon voyage, je tenterai de juxtaposer les histoires des Premières Nations, transmises oralement, avec elles écrites par les Européens. J’ai du sang européen et du sang amérindien dans mon ADN. Je peux m’identifier aux deux camps : celui des opprimés et celui des oppresseurs. Le récit de mon voyage et la manière de filmer seront fondus au creuset de ces deux façons de voir lLA SPIRITUALITÉ

Chaque matin, pendant ma randonnée, je commencerai ma journée en faisant brûler de la sauge et du cèdre, réservant une pensée pour deux femmes aborigènes parmi les 1186 qui ont été assassinées au Canada depuis trente ans. À la fin de mon périple, j’espère avoir fait une prière pour chacune d’entre elles. J’ai l’intention d’approcher d’autres artistes qui ont intégré cette tragédie dans leur œuvre et d’insérer ces images au montage. Pour moi, c’est la partie sacrée du voyage.

Quant à ma motivation personnelle, elle vient du fait qu’à un moment, on finit tous par perdre ses repères. On se fixe des buts qui définissent si nous gagnons ou perdons la bataille. Nous mesurons le succès à l’aune de notre valeur nette et le bonheur devient la quête absolue que nous poursuivons, plutôt que de se consacrer à l’instant présent. C’est la raison personnelle qui motive ce voyage et que je partage avec des millions de personnes poursuivant leurs propres pèlerinages : la connaissance de son moi profond.

À l’aube de la cinquantaine, je me retrouve seule. Mon chien de 18 ans est mort. Mon mariage s’est effondré et mes tentatives d’aimer quelqu’un d’autre ont été minées par le désir irrépressible de détaler comme un cheval, l’écume à la bouche. Alors, j’ai loué ma maison et remisé ma voiture en panne pour sortir de la planche de jeu et retourner à l’état sauvage.
Là où je n’ai ni hypothèque, ni assurance-auto, ni internet, ni factures, ni cartes de crédit. Je suis consciente des dangers ; la nature est une mère indifférente et ses leçons sont parfois brutales. J’ai ressenti la morsure du vent de l’Arctique et l’air raréfié de l’Everest. Mais la seule clarté que j’aie jamais perçue au contact de la nature, c’est dans son silence.